Témoignage : un cri de vérité, déposé sur le papier

Le cheminement vers un diagnostic de TSA et au-delà n’a rien d’un conte de fées. Pourtant, c’est l’univers que j’ai choisi, pour vous raconter la façon dont moi j’ai vécu ce voyage intérieur, des questionnements à l’acceptation, et les secousses émotionnelles que cela a généré en moi.

Plume de Bleuet

Pour lire la deuxième partie du conte : ≪ Un cri de vérité, déposé sur le papier, partie 2 ≫
Et la troisième partie : ≪ De l’autre côté du miroir ≫


Plume de bleuet est une femme de 35 ans en cours d’évaluation de troubles du spectre de l’autisme. Elle partage avec nous son vécu pré-diagnostic.


Il était une fois…

Il était une fois une fille, une fille tout ce qu’il y a de plus normal, le genre de fille passe-partout qui se fond dans le décor, une fille sans histoires donc, et surtout sans grand intérêt puisqu’elle n’avait jamais grand chose à dire.

Elle était gentille, un peu naïve parfois, mais loin d’être bête, malgré ce qu’elle pensait. C’était une très bonne élève, un peu trop peut-être. (En fait, elle était dingue : elle adorait l’école et la grammaire..!) Enfin pendant une bonne partie du temps parce qu’à un moment, elle a ramé un peu quand même… Mais bon, rien de transcendant. Et puis, un physique tout aussi passe-partout que le reste, sans relief.

Elle avait une confiance en elle et une estime de soi proches du niveau de la mer. Et surtout, elle était chiante. Personne n’aurait vraiment pu vous dire pourquoi mais cette fille avait le don d’énerver tout le monde par sa simple présence ! Ah ! Et ce perfectionnisme, et cette façon de tout questionner, de toujours vouloir trouver des solutions à tout..! Même en la harcelant dans tous les sens, années après années, partout où elle allait, impossible de s’en débarrasser : elle s’accrochait à la vie, comme une moule à son rocher. Elle avait même réussi à s’en construire une, de vie, avec un mari, un travail, une maison et une voiture. Mais tout au fond d’elle-même, un petit nuage noir s’était formé depuis bien longtemps, et ternissait sa vie.

Un jour enfin, il arriva une histoire à cette fille, une vraie histoire, une très belle histoire, l’histoire de la vie en fait : elle épousa un homme et mit au monde un enfant. Il était mignon tout plein, comme elle. Mais quand même… Un peu spécial peut-être ? Non, elle devait se faire des idées. Et quelques années plus tard, elle mit au monde un autre enfant. L’aîné la déroutait, mais ce n’était rien à côté du cadet ! Elle vécut deux ou trois trucs difficiles mais tint bon la barre, s’effondrant pour mieux rebondir, comme elle l’avait toujours fait, et avança dans la vie.

Mais quand même… Quelque chose clochait. Pourquoi personne ne la voyait telle qu’elle était vraiment ? Pourquoi son reflet face au monde était-il si déformé ? Quelques bouquins et deux tests plus tard, elle sut avec certitude qu’elle était HP, et son fils aîné aussi. Le papa aussi sûrement, et peut-être le deuxième ? Non, lui c’était autre chose… Mais quoi ?!

Quelques bouquins et deux tests plus tard…

Eh non !!! Ce ne fut pas si simple !! Elle s’interrogea durant des mois, encore et encore, sur ce petit bonhomme qui la déroutait, autant qu’il lui ressemblait, et qu’elle comprenait si bien, et si mal à la fois. Elle tint bon la barre, et creusa, encore et encore… Et elle consulta. Des médecins, des psys, des pédiatres… Et plein d’autres ! Son enfant restait une énigme pour le reste du monde… Tantôt c’était un fonctionnement atypique, peut-être des séquelles d’une grossesse et d’un accouchement douloureux, tantôt c’était juste un problème éducatif, ou d’attachement insécure, tantôt il n’y avait tout simplement pas de problème. Atypique parmi les atypiques..? Si visible et tellement invisible à la fois ! Sans histoires, et pourtant…

Dans la tête de cette fille, une petite voix résonnait, qui lui disait : « TSA, autisme, Asperger… » Alors elle recommença à lire, encore et encore. C’était comme une crise de boulimie, qui n’en finissait pas, un besoin profond de se remplir, de combler ce vide, cette absence de réponses. Elle regarda des vidéos, écouta des podcasts, échangea avec d’autres autistes, et lut, jusqu’à plus soif, plus faim, jusqu’à ne plus en pouvoir… Elle ingurgita des montagnes et des montagnes de connaissances, sans jamais les vomir. Pour comprendre. Comprendre son fils et finalement se comprendre elle-même. Elle eut le sentiment douloureux d’être passée à côté de sa vie, comme tout le monde, à côté d’elle-même. Transparente, invisible, comme elle l’avait toujours été. Elle était au bord de l’explosion, de l’implosion, ou peut-être les deux à la fois.

Cette fille sans histoires en lut encore des tas, des histoires… Elle s’y retrouva, un peu, pas beaucoup, passionnément..? Pas beaucoup en fait, mais sur des sujets tellement bizarres ! « Je ne suis pas vraiment autiste », se disait-elle, « Je m’en sors trop bien dans ma vie ! » Et puis, à d’autres moments, elle pensait : « Mais… Il faut vraiment être autiste pour vivre ça, non ?! » Elle était comme en équilibre sur un fil, se demandant de quel côté elle allait tomber. Alors elle continua à lire, encore et encore… À avancer, droit devant, pour ne pas tomber. Garder le cap, tout en restant ouverte à tous les possibles. Mais elle trébucha, et tomba… Sur un mode d’emploi… Son mode d’emploi !!! Un livre écrit juste pour elle ! Le mode d’emploi d’une femme Asperger… Elle tomba à la renverse. Elle commença à angoisser…

Elle était vraiment autiste alors ?

Et si c’était l’effet Barnum ? Peut-être qu’elle était juste anxieuse et dépressive ? Ou qu’elle avait développé un ou deux troubles de la personnalité ? Son vécu pas idéal aurait largement pu y contribuer…

Elle se mit à s’observer, à la loupe. Une loupe noire qui ne grossissait que les défauts, les faiblesses et les failles qu’elle avait si bien cachés jusque-là, qu’elle s’était si bien cachés à elle-même. Mais d’où venaient toutes ces failles ? Tous ces petits trous qui la perforaient de part en part ?

Elle savait qu’elle ne trouverait pas la réponse seule, que ça prendrait du temps et qu’il fallait absolument qu’elle rencontre les bonnes personnes.

Heureusement pour elle, elle était déjà bien entourée. Le hasard avait mis sur sa route un médecin bien informé, à l’écoute, et une psy dont la seconde spécialité était le TSA… Chez les femmes. Elle ne faisait pas les tests mais elle écoutait, et elle comprenait… Tellement bien ! Et le hasard continua à faire merveilleusement bien les choses, puisqu’une ergothérapeute, calée à fond sur le sensoriel, vint s’installer près de chez elle. Et puis, il y avait ces groupes sur internet : elle s’y sentait enfin acceptée telle qu’elle était, elle avait l’impression d’être confortablement installée, en chaussons, devant un bon feu de cheminée.

Alors elle reprit contact avec sa psy, habituée aux femmes Asperger. « Alors franchement, la première fois qu’on s’est vues, je ne me serais absolument pas posé la question. Mais à vous lire, je suis comme entrée dans votre tête. Et vous dites des choses qui… Et cette souffrance qui vous habite… J’en ai envoyé se faire tester à moins ! » Celle-ci accepta de lire le livre et de poser son regard professionnel dessus : oui une femme HP avec des problèmes s’y retrouverait, un peu… Mais pas comme ça. Et pas avec autant d’émotions.

Cette psy, qui avait lu le livre, lui proposa de l’accompagner un moment… Elle rencontra alors une bienveillance absolue, très réconfortante après avoir passé tant d’années sans se comprendre, et tellement déstabilisante à la fois ! Le sentiment d’être enfin comprise, de l’intérieur, totalement mise à nue, presque violée en fait.

Cette psy, qui l’encourageait à se questionner et ne remit jamais son instinct en doute, tant cette fille faisait preuve d’objectivité et de précision dans son auto-analyse, la soutint pendant toutes les étapes qui suivirent. Elle accepta de la lire, encore et encore, de lire tout ce qui l’envahissait et qu’elle n’arrivait pas à dire. Elle lisait, elle comprenait, elle entrait dans sa tête. Petit à petit, ça devint presque intuitif. Elle lui donna la main pendant quelques mois, avec pour seul et unique but de l’empêcher de tomber. Elle l’encouragea et l’aida à avancer, en attendant les réponses à toutes ses questions qui la submergeaient, et, du mieux qu’elle put, elle apaisa son anxiété qui la consumait de l’intérieur.

témoignage pré diagnostic d'autisme, TSA

Sur un fil dans la tempête,
Oser traverser.
Tumulte enchanté ?

Douloureuse douceur,
Et chaleur perforante,
Souffrir pour guérir.

Brûler de l’intérieur,
Panser ses blessures,
Renaître de ses cendres.

Plume de Bleuet

5 réflexions sur “Témoignage : un cri de vérité, déposé sur le papier”

    1. Plume de Bleuet

      Bonjour
      Il y a bien un livre mais il se peut qu’il ne parle pas à toutes les femmes autistes ou peut-être qu’il parle un peu à des femmes non autistes. Je crois que chacune trouvera plus ou moins des échos dans des lectures. Celui-ci m’a vraiment donné l’impression d’être un monde d’emploi, mon mode d’emploi.
      Il s’agit d’un livre de Rudy Simone : Vivre avec une femme Asperger.

  1. Christinette91

    C’est un très beau texte. Je me reconnais tellement dans ce que vous décrivez ! Ca m’a fait rire ce que vous disiez sur l’amour de la grammaire ! Félicitation pour votre texte.

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