Groupe d’action autisme au féminin
GRAAF
Le GRAAF est un collectif francophone qui réunit des femmes autistes de différents horizons, désireuses de s’investir dans la cause des femmes autistes et de l’autisme en général.
Notre histoire
Nous nous sommes rencontrées sur un groupe virtuel dédié aux femmes autistes. Nous nous sommes retrouvées avec comme ambition commune de sensibiliser au profil féminin de l’autisme aussi bien le grand public que les professionnels de santé et du médico social.
Notre aventure a débuté lors de la mise en œuvre d’un projet de brochure : « L’autisme au féminin »
Le groupe privé GRAAF
Le GRAAF propose un groupe Facebook d’entraide et de discussion destiné aux femmes autistes diagnostiquées, en cours de démarche ou en questionnement . Pour y accéder, il suffit de nous contacter :
Elle dit…
Merci Diane La Blanche pour ce très beau texte écrit à la suite du diagnostic d’autisme de ta fille. Mise en musique : Acherontia Atropos te salutant
Elle dit…
Elle dit qu’elle est un chat. Peut-être qu’elle en est un.
Elle se déplace dans la vie sur la pointe des pieds. On ne sait si c’est pour ne pas faire de bruit, passer inaperçue, ne pas déranger l’ordre des choses, ou bien si c’est pour s’envoler là où c’est plus léger. Un peu tout ça, peut-être. Un peu tout ça, je crois.
Elle aime les vertiges quand elle tourne et tourne et tourne sur elle-même. Elle dit qu’elle aime se sentir au centre de cette bulle-là, quand les couleurs et les angles se fondent et se floutent dans la vitesse pour créer autour des frontières moelleuses, sans aspérité. Elle rassemble son monde autour d’elle et elle le fait tourner. Elle aime ce que ça fait dans son ventre. Ça aussi, c’est un peu comme voler. Un peu comme flotter. Un peu comme tomber sans peur quand on s’est trop longtemps accroché.
Le doux l’attire, c’est irrésistible. Elle tend le doigt pour toucher et le reste disparaît. Concentrée si intensément qu’on croirait qu’elle entre dedans et qu’elle le laisse entrer, qu’elle s’en nourrit jusqu’à se confondre. Elle ferme les yeux et elle sourit. Coton dedans, coton autour. Pause. C’est qu’elle est si fine, sa peau, si fine qu’il faut la protéger. Un rien l’agresse et l’envahit. Un rien lui dérobe tout le doux. Et le monde pique et tire et gratte et brûle alors elle coupe, elle fuit, se réfugie. Loin, loin en dedans.
Elle pense en images. C’est par les yeux qu’elle s’alimente. Elle observe comme on respire. Elle n’écoute pas ce qu’on lui dit ; elle regarde les mots. Les images que font naître les mots, leur sonorité, la forme qu’ils ont quand on enroule la langue autour, leurs couleurs qui dansent devant ses yeux. Et le sens parfois se perd et lui échappe… Elle n’a pas compris le message, ne s’y est pas arrêtée, l’a jugé sans intérêt, mais dans sa tête se dessine un paysage. Elle n’est plus tout à fait là ; elle explore les alentours insoupçonnés des paroles prononcées, pays des merveilles qu’elle peuple de créatures fantastiques. Quelques minutes toutes relatives en fantaisie qui lui font lâcher le fil, oublier la consigne.
Elle dessine. Tout, tout le temps. Elle dessine les images dont sa tête est pleine. Un crayon à la main, son trait est sûr. Aussi sûr et précis que ses mouvements sont malhabiles au quotidien, que sa parole hésite, achoppe, se bloque. C’est que les mots sont tellement insuffisants pour dire et comprendre. Elle dessine les émotions, leur donne des formes. Des formes de chats, oui. Elle les met en scène sur le papier, leur invente des histoires pour les apprivoiser. Feuilles volantes-miroirs pour apprendre, s’apprendre, s’approprier. Pour trouver l’accès. Des dessin-clefs pour déverrouiller.
Elle n’aime pas les gens. Elle dit qu’elle n’aime pas les gens. Ce n’est pas vrai, pas tout à fait. Les gens sont bruyants, inquiétants, déboussolants. Ils entrent sans prévenir dans son univers si délicat. Ils brisent et piétinent sans savoir, sans même se rendre compte, puis ils se détournent et s’en vont. Les gens, mieux vaut les tenir à l’écart, dresser des remparts.
Et moi, c’est ce que je suis ; en peu dedans, un peu dehors, l’interface entre elle et le reste autour. Un sas, mi repère-refuge mi-fenêtre ouverte. Pas très sûre d’être à la hauteur, mais fière, tellement fière d’avoir ce privilège : la regarder être, la protéger des griffures du monde.
Diane La Blanche