Témoignage : un cri de vérité, déposé sur le papier (Partie 2 : le parcours diagnostic)

Le cheminement vers un diagnostic de TSA et au-delà n’a rien d’un conte de fées. Pourtant, c’est l’univers que j’ai choisi, pour vous raconter la façon dont moi j’ai vécu ce voyage intérieur, des questionnements à l’acceptation, et les secousses émotionnelles que cela a généré en moi.

Plume de Bleuet

Pour lire la première partie du conte : ≪ Un cri de vérité, déposé sur le papier ≫
Et la troisième partie : ≪ De l’autre côté du miroir ≫

Plume de bleuet, femme de 35 ans récemment diagnostiquée autiste nous raconte l’histoire de son parcours diagnostic.

Alors, main dans la main, elles avancèrent à petits pas…

Et cette fille se renseigna sur le parcours diagnostic, les parcours en fait. Une fois jetée par le CRA, elle opta pour un parcours en libéral. Plus cher mais plus rapide, et elle pourrait avoir l’avis de plusieurs personnes différentes (C’était à double tranchant ça ! Et si les avis divergeaient ?! Mais elle était prête à prendre le risque, pour essayer de ne pas douter après…). Elle contacta donc une autre psy, calée sur le sujet, et formée aux tests adéquats.


Pendant des heures, elle imagina quel message elle allait bien pouvoir laisser sur son répondeur pour expliquer sa situation, elle se le répéta plusieurs fois, se demandant si ça irait, puis enfin, elle composa le numéro. Le téléphone sonna, et la psy décrocha. La fille fut totalement déstabilisée ! (Il ne lui fallait vraiment pas grand chose…) Elle bafouillait sans arrêt mais la voix de la psy avait quelque chose de rassurant, de posé et elles purent échanger brièvement. Rendez-vous furent pris, pour elle et, quelques semaines plus tard, pour son enfant, sans qu’elle ne le réalise vraiment. D’une pierre deux coups… Quelle chute vertigineuse ! Avant, elle se contentait d’y penser mais là, d’un coup, ça devenait concret. Elle raccrocha le téléphone et se mit à pleurer : était-ce vraiment ce qu’elle voulait ? Tout était allé si vite ! Elle n’était plus sûre de rien.

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Alors, accompagnée par la psy, qui entrait maintenant régulièrement dans sa tête (celle à qui elle avait fini par donner un double des clés !), cette fille poursuivit son chemin, et enchaîna les bilans.

Elle voyait d’autres professionnels, mais cette psy était la seule qui la comprenait aussi bien, et ne doutait jamais. Elle était forte et résistait face aux doutes, aux tumultes et autres pérégrinations de cette fille, que, jusqu’alors, son instinct n’avait pas trompée. Elle continua à l’accompagner encore un moment, et à la rassurer quand elle se sentait submergée par ses angoisses.

Une jambe en moins

La fille découvrit un jour qu’elle avait un énorme trouble neuro-visuel, dont elle ne percevait même pas l’impact sur son quotidien. C’était comme si on lui expliquait qu’elle avait une jambe en moins, depuis sa naissance, et que comme elle sautait super bien à cloche-pieds, personne n’avait rien vu jusque là ! Il paraît que c’était bon signe pour sa plasticité cérébrale… Mais elle allait quand même devoir apprendre à marcher avec des béquilles, histoire de ne pas user son seul genou trop vite. Des béquilles ?! Elle ne savait même pas ce que c’était !

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Et comment pendant toutes ces années pas une seule personne n’avait pu remarquer qu’elle n’avait qu’une seule jambe ?

La loupe noire avait grossi, sa puissance était décuplée. Plus la fille se questionnait, plus elle s’observait et plus elle avait l’impression d’être à jeter, tout juste bonne pour la casse. Son estime, qu’elle avait réussi à regonfler un peu dans les mois précédents, se retrouvait à nouveau à marée basse. Dans les bons jours, elle essayait de voir le positif, l’espoir, la lumière au bout du tunnel, ce tunnel interminable dont elle se demandait si elle en sortirait un jour. Dans les mauvais, elle était submergée par la tristesse, la colère, les angoisses… Un tumulte émotionnel qu’elle ne pouvait même pas déposer, car il se régénérait au fur et à mesure, telle une hémorragie dans une plaie béante.

Les gens qui l’accompagnaient lui demandaient comment elle se sentait, mais elle n’était pas certaine de vraiment le savoir : elle était tantôt hyperactive, tantôt anesthésiée, formée, informée, bien renseignée et totalement paumée à la fois. Et elle avait beau fermer les yeux, détourner le regard, ça saignait toujours. Ils lui demandaient aussi ce qu’elle allait faire de tout ça, après. Après quoi ? Quand elle réussirait à ouvrir les yeux, pour faire face à son reflet qu’elle ne reconnaissait pas ? Est-ce qu’un jour elle y parviendrait ? La fille avait envisagé tout un tas de possibilités et malgré ça, rien ne se passait comme prévu ! Sa bonne étoile était encore partie en vacances. Mais elle continua à tenir bon et à rebondir, ballottée par ses émotions, telle une balle de ping-pong en plein récif, par un soir de tempête.

Et puis il y eut le retour de l’ADOS…


Un véritable boomerang, qu’elle reçut en pleine tête : un reflet très net et super détaillé, façon portrait macro, avant retouche, qui faisait ressortir tous ses défauts. Elle ne se reconnaissait pas tout à fait et pourtant, c’était bien elle, là, dans ce miroir. Après ça, il restait encore une étape à franchir : rencontrer un médecin pour confirmer ou infirmer le diagnostic, et peut-être en poser d’autres. Quelqu’un de fort, très fort, qui saurait démêler tous les nœuds de sa pelote de laine mais aussi quelqu’un qui prendrait le temps de l’écouter, de la comprendre, de la lui expliquer. Oui, l’expliquer à elle-même. Mais les psychiatres, c’est pour les fous, non ? Elle qui avait passé tant d’années à se persuader qu’elle était juste nulle, mais pas folle..! Comment franchir le cap de la psychiatrie ? Elle trouva un médecin généraliste, bardé de diplômes universitaires, qui travaillait avec un CRA. Il se sentait capable de démêler la pelote de laine et de lire tous les bilans.


Alors cette fille le rencontra, une première fois. Elle espérait repartir avec une cartographie, sa cartographie, façon carte IGN au 1000ème, avec toutes les couches amovibles. En une heure, il l’avait à peu près cernée et n’eût pas de doutes à son sujet : sans avoir lu les compte-rendus, à l’aide de questions bien ciblées et d’une observation minutieuse, il confirma le diagnostic.

Cette fille était maintenant face à deux photos d’elle en macro, sans retouches, et eut bien du mal à se regarder en face… En fait, elle ne put tout simplement pas. Alors, elle posa le miroir, ferma les yeux et attendit…

autisme au féminin, le diagnostic

Sous une loupe acérée,
Mise à nue, cartographiée,
Intimité dévoilée.

Foncer, sautiller, boiter,
Marcher, une jambe en moins,
Vers ce terrifiant reflet.

Rouvrir des plaies douloureuses,
Fermer les yeux, et saigner,
Dénier, pleurer, accepter ?

Plume de Bleuet

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