Autisme et IEF : pourquoi choisir d’instruire son enfant autiste en famille ?

Article de Emilie Roussel

Outre-Atlantique, il est courant pour les enfants autistes d’être scolarisés à la maison, notamment en suivant des cours par correspondance, ou de pratiquer l’instruction en famille, ce qu’on appelle en France « l’école à la maison », c’est-à-dire d’apprendre sur des supports choisis par la famille, sans notes, sans devoirs…

IEF, instruction en famille, école à la maison pour l' enfant autiste

En France, l’instruction en famille (IEF) est un choix très minoritaire, puisqu’il concerne 0,5% des enfants d’âge scolaire (60 000) sur les 8 millions que compte notre pays. Il s’agit d’une pratique très encadrée : les parents déclarent tous les ans leur choix à leur mairie et à l’inspection académique. Ils sont soumis à un contrôle de la mairie tous les 2 ans (pour vérifier que le droit de l’enfant à recevoir une instruction est respecté et que cette instruction est reçue dans de bonnes conditions), et à un contrôle pédagogique mené par un inspecteur de l’Éducation nationale tous les ans. Ce contrôle a pour but de vérifier que l’enfant progresse dans ses apprentissages, et de dispenser des conseils aux parents pour mener à bien l’instruction de leur enfant.

Témoignage

Je suis maman de 4 enfants, qui n’ont jamais été scolarisés. Ce choix ne relève pas d’une idéologie ou d’un rejet de l’école. Il se trouve que notre aîné, au moment d’être inscrit, n’était pas prêt selon nous à intégrer une structure telle que notre maternelle de quartier. Nous avons décidé d’attendre un an, puis nous avons dû déménager… Nous hésitions à scolariser notre fils pour le changer d’école quelques mois plus tard. Nous avons commencé à nous renseigner sur les activités à mettre en place, les apprentissages. Nous avons découvert le monde de l’IEF, et cela nous a plu. Nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure, tout en se disant qu’on pouvait toujours scolariser notre enfant si ce n’était pas concluant.

A vrai dire, cette vie nous a tout de suite convenu. La liberté, surtout au niveau des horaires, était totale. Lorsqu’on a deux enfants avec 18 mois de différence, pouvoir les laisser dormir le matin, faire la sieste en toute tranquillité, sortir dès qu’il fait beau et aussi longtemps qu’on le souhaite, c’est précieux ! Nous avons aussi rapidement senti que notre choix était le bon pour notre fils aîné. Il a toujours été curieux de tout, mais à sa façon : il observe beaucoup, à distance, n’est pas très bavard, mais apprend vite. Il a toujours aimé le calme, la solitude, et se plonger avec délices dans sa passion du moment.

Ce n’est que vers 7 ans que nous avons découvert son autisme. Ce diagnostic a expliqué beaucoup de ses particularités et nombre de ses difficultés. Et cela nous a conforté dans notre choix de l’IEF.

Évidemment, lorsqu’on parle d’autisme, et qu’on sait ce que cela peut vouloir dire en termes de problèmes de communication, d’interaction, d’intégration des codes sociaux, on peut se dire que ne pas scolariser son enfant, décider de ne pas le faire évoluer au sein d’un groupe où il pourra comprendre et imiter ses pairs, c’est le pire choix du monde… De nombreux professionnels de la santé déconseillent fortement ce mode d’instruction, arguant que cela va couper l’enfant encore davantage de la société.

Pourquoi sommes-nous convaincus, son père et moi (et nous ne sommes pas seuls, heureusement !), que l’IEF peut être une bonne chose pour un enfant autiste ? La réponse tient en une phrase :

En IEF, tout peut être parfaitement adapté à l’enfant

Le rythme de travail, évidemment, mais aussi le programme, les supports, le lieu de travail, les horaires, tout peut être modifié, modulé, selon le jour, le moment, la période plus ou moins facile que l’enfant traverse.

L’environnement peut répondre lui aussi aux besoins très spécifiques de nos enfants : lumière et ambiance sonore adaptées, choix des outils et supports, casque anti-bruit, paravent, l’enfant aura tout à disposition pour travailler dans de bonnes conditions.

Tout cela aura comme résultat de permettre à votre enfant de ne pas dépenser inutilement son énergie pour gérer le bruit, le stress des horaires, les imprévus, la frustration… Cette énergie sera dédiée aux apprentissages, qui seront efficaces et d’autant plus agréables qu’ils pourront être directement reliés aux intérêts spécifiques de l’enfant.

Cerise sur le gâteau, les prises en charge pourront se faire de façon plus simple et plus détendue, à des heures qui conviendront à tout le monde, puisque vous serez plus disponibles.

Et la socialisation alors ??? Je vais peut-être vous surprendre, mais là encore, l’IEF représente un plus. En effet, une socialisation bien vécue est avant tout une socialisation choisie et correspondant aux possibilités de l’enfant. Ce n’est pas en passant 8 heures par jour entouré d’enfants que le vôtre va devenir un pro de la communication et de la discussion. Et s’il a un tempérament solitaire, cela pourra même simplement l’épuiser, voire le pousser à fuir toute situation sociale hors école.

Nous nous sommes évidemment posé la question de la socialisation de notre fils. Bien sûr, il était avec ses frères et sœur, mais il ne manifestait pas de désir d’entrer en contact avec d’autres enfants, et restait volontiers dans son coin… Et puis… avec le temps, il s’est ouvert, à son rythme, et a commencé de lui-même à aller vers les autres. Au parc, d’abord, et puis au sein de groupes d’enfants qu’il fréquentait avec sa sœur. Aujourd’hui, il a 12 ans et il est suffisamment à l’aise dans un groupe pour passer inaperçu. Il fait de la musique, chante dans la chorale, et a souhaité cette année commencer à faire de l’escrime.

Nous sommes convaincus que l’IEF permet à notre fils de ne pas se disperser, de conserver son énergie pour apprendre et, en parallèle, de développer son côté social à un rythme qui lui convient, et sans pression. En outre, n’ayant jamais été stigmatisé pour ses particularités, il ne voit pas son autisme comme spécialement invalidant, ou pire comme une condition honteuse. Il est conscient de ses spécificités, mais nous pouvons lui offrir un cadre rassurant, à la fois suffisamment routinier et suffisamment souple pour qu’il puisse y évoluer de la meilleure manière. Nous sommes heureux de pouvoir lui épargner du stress, de la fatigue : on voit tant d’enfants autistes en burn-out, en dépression, vivant des effondrements à répétition. Cela m’a particulièrement frappée suite au confinement découlant de la crise sanitaire : de nombreux parents témoignaient que leur enfant autiste n’avait jamais été aussi calme, souriant, détendu que depuis qu’il suivait les cours depuis la maison. Je ne dis pas que c’est la réponse unique pour tous les enfants, mais c’est en tout cas une piste à envisager si l’école ne convient pas au vôtre…

Pour de plus amples informations :

Notre blog : A l’école des oiseaux
Le groupe Facebook « Autisme et IEF » que j’administre avec deux autres mamans d’enfants autistes.

Emilie Roussel

Logo GRAAF autisme

© Emilie Roussel pour le GRAAF

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