Résumé du rapport « COVID-19 à l’intersection du genre et du handicap, résultats d’une enquête mondiale sur les droits de l’homme » publié le 20 mai 2020 par Women Enabled International et traduit de l’anglais par Phantom (Natacha Eté) et Emilie Roussel pour le GRAAF
En mars 2020, Women Enabled International (WEI) a identifié une lacune dans les premières réponses mondiales à la COVID-19, en ce sens que de nombreux acteurs discutaient de la manière d’inclure les femmes et les personnes handicapées dans la réponse, mais peu envisageaient les expériences uniques des femmes handicapées et autres personnes vivant à l’intersection du genre et du handicap.
Dans le même temps, des organisations de femmes handicapées nous ont fait part de leur désarroi face à la situation dans leur pays et de leurs inquiétudes au sujet des femmes handicapées, en particulier en ce qui concerne la violence, l’accès aux biens et services de santé et les besoins primaires.
Les personnes vivant à l’intersection du genre et du handicap ont droit à la santé, à un niveau de vie suffisant et à ne pas subir de violence, même en temps de crise. En tant que tel, nous avons créé l’enquête qualitative WEI COVID-19 (enquête) pour mieux comprendre ces problèmes et la manière dont la vie et les droits des femmes, des filles, des personnes handicapées non binaires, trans et de genre non conformes étaient touchés par la Crise de la COVID-19, dans l’espoir de guider les réponses à apporter post pandémie. L’enquête WEI a été menée auprès de 100 femmes handicapées non binaires et trans à travers le monde.
CARACTÉRISTIQUES DES
RÉPONDANTS À L’ENQUÊTE
Des découvertes clés
Les répondants au sondage ont indiqué que leur santé mentale et physique était affectée négativement par cette crise, qu’ils craignaient que les pénuries de soins de santé combinées à la discrimination les empêchent de recevoir les soins nécessaires s’ils tombaient malades, qu’ils avaient du mal à répondre à leurs besoins de base, et que beaucoup craignaient pour leur sécurité personnelle. Ces problèmes découlaient souvent de la discrimination historique et constante à l’intersection du genre et du handicap, ce qui signifie que leur santé, leur bien-être et leurs droits n’étaient pas prioritaires pendant et avant cette crise.
La santé physique et mentale impactée négativement
De nombreux services de santé ont été soit annulés, retardant ainsi les soins nécessaires, soit déplacés vers des moyens virtuels comme la visio-consultation, qui ne sont pas toujours accessibles ou adéquats pour répondre aux besoins parfois complexes des personnes vivant à l’intersection du genre et du handicap.
Témoignages
Une femme de 48 ans ayant une déficience psychosociale a déclaré que « (Je) retarde le traitement de la ménopause en raison de la crise, ce qui n’est pas bon car mon état de santé mentale est aggravé par le stress de la crise et de la ménopause. »
Andrea, une femme ayant une déficience visuelle en Argentine, a déclaré qu’elle aurait des difficultés à accéder aux services de santé car « il y a une interdiction totale de la circulation des personnes, sauf pour les cas essentiels, et à cause de mon handicap, je dépends de l’aide de tiers à traverser les rues. »
une femme malentendante du Brésil soulignait : « En général, pour moi, les obstacles se situent au niveau de la communication. Dans ce cas, le personnel soignant doit tout mettre par écrit, car l’utilisation du masque m’empêche de lire sur les lèvres. »
Les personnes ayant répondu à l’enquête rapportent avoir eu de grandes difficultés d’accès aux bilans de santé sexuelle et génésique, au dépistage de cancer du sein, aux services en charge du suivi de grossesse, de la ménopause, des interruptions de grossesse, ainsi qu’aux traitements d’hormonosubstitution. Par exemple, une des participantes présentant une maladie chronique et enceinte de 9 semaines souffrait de nausées et de migraines, et s’inquiétait au sujet de sa santé :
« Je ne peux pas consulter mon acupuncteur pour mes nausées. Mon suivi de grossesse se fait généralement par téléphone, sauf pour les échographies. »
Par ailleurs, les services de santé ayant été surchargés par les patients atteints de la COVID-19 et les personnes souffrant de troubles psychologiques dus à la crise, l’accès aux services, aux équipements et aux traitements a été rendu très difficile, ce qui a encore aggravé les répercussions sur la santé physique et mentale des personnes interrogées. De fait, la grande majorité des personnes ayant répondu à l’enquête [81] ont remarqué une limitation de l’accès aux soins dans leur pays, tant au niveau des moyens formels qu’informels, ou ont rapporté leur crainte de voir survenir une telle limitation.
Linda, une femme New-yorkaise présentant un déficit intellectuel, a exprimé sa peur de ce qui pourrait arriver à elle et aux autres résidents de son foyer :
« J’en ai entendu parler [du rationnement] sur Facebook. J’ai très peur d’aller à l’hôpital. Je suis pétrifiée. »
Des obstacles pour répondre aux besoins fondamentaux
Selon les personnes ayant répondu à l’étude, le confinement, l’établissement de périmètres de sécurité, et les autres restrictions de la liberté de circulation durant la pandémie ont eu des conséquences significatives sur leur capacité à combler leurs besoins fondamentaux, à s’assurer un niveau de vie suffisant, et à vivre de façon indépendante. Cela s’explique par le fait que beaucoup d’entre elles ont perdu leur source de revenus, que les structures auprès desquelles elles trouvaient du soutien n’étaient plus disponibles, que les transports étaient réduits ou inaccessibles. De plus, les règles de distanciation physique et les recommandations sanitaires ont rendu les membres de leur communauté ou de leurs familles incapables de les aider, ou ont entamé leur volonté de le faire.
Un risque accru de violence
Les femmes et filles handicapées sont au moins deux à trois fois plus exposées que les autres femmes aux violences de leurs partenaires ou des membres de leur famille. Du fait du confinement, de la limitation des possibilités de circulation et des recommandations d’isolement, ces personnes ont eu d’autant plus de mal à échapper à ces violences, tout spécialement si les structures qui leur apportent d’ordinaire le soutien nécessaire ne sont plus accessibles, comme nous l’avons dit précédemment. Par ailleurs, l’accès limité aux structures d’aide officielles les a rendues davantage dépendantes de moyens informels, ce qui a pu les exposer encore plus à la violence, à l’exploitation et aux abus. Les personnes handicapées placées en institution présentent elles aussi un risque accru d’être victimes de violences : ce risque augmente encore lorsque les visiteurs et les personnes chargées de veiller sur elles ne sont plus autorisées à les visiter.
22 personnes ayant répondu à l’enquête ont rapporté craindre pour leur sécurité
Sabrina, une Colombienne malentendante et souffrant d’un handicap moteur, a partagé : « J’ai dû me rendre quelques fois à l’épicerie ou à la banque, et il est arrivé que des personnes m’insultent parce qu’elles pensaient que je n’aurais pas dû sortir, ou que j’étais porteuse du virus, juste parce que je suis handicapée. »
Alex, une personne non-binaire polyhandicapée de l’état du Texas, a rapporté : « Ma famille est moralement maltraitante, et je suis piégé à la maison avec eux. Je suis immunodéprimé, et je suis en danger chaque fois que quelqu’un quitte la maison, en plus d’être trans dans une famille transphobe. Cette situation est terriblement dangereuse pour moi, et ma santé mentale a énormément souffert durant cette pandémie, à cause des mesures de quarantaine mises en place. »
Le leader d’une organisation qui travaille auprès de femmes en situation de handicap au Malawi a témoigné : « Mon principal sujet d’inquiétude, ce sont les femmes des zones rurales, qui sont vulnérables durant le confinement : elles sont financièrement dépendantes, ne peuvent pas subvenir à leurs besoins en nourriture, donc elles présentent un risque élevé de s’exposer à des abus sexuels, juste pour obtenir un peu de pain et de beurre au quotidien. »
Recommandations aux différents pays
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© Traduction, Natacha Eté et Emilie Roussel pour le GRAAF